samedi 15 mars 2008

Les doux rêves sont faits avec ça

Cher Ray Zo,


Journal :

J'ai d'autres addictions que la glandouille. Des plus classiques.

Le Stilnox, surtout. La dépendance n'est pas physiquement durable, au bout de 3-4 jours on pourrait s'endormir sans facilement. L'accoutumance est vraiment légère. Ca doit faire trois ans que j'en prends, à moins d'avoir les nerfs bien empelottés, pas besoin de plus que mon demi comprimé pour plonger. Par contre, la dépendance psychologique... C'est efficace, ça dure 6h pile poil et je me lève même pas dans le coltard. Idéal pour les têtes intranquilles, comment résister ?

J'ai toujours tellement galéré pour m'endormir, qu'avec un emploi du temps m'empêchant de me coucher quand j'veux si j'veux, je ne sais plus vraiment faire autrement. Etrange, puisqu'en revanche, tomber dans le sommeil en journée, volontairement ou non, c'est facile. Facile même quand j'ai bien dormi. Quand, au fond, j'ai envie de dormir ou de zapper telle heure ; ou de la tranquillité d'esprit prise dans le sommeil, une île de calme intime dans la journée. Tandis que le soir, c'est l'heure où mes insatisfactions me travaillent, et puis c'est l'heure où je lis...

Le problème de l'extinction des feux n'est pas tout récent : avant, je me masturbais pour atteindre le sommeil. Habitude perdue qui a eu le temps de me laisser de déplorables réflexes quand je ne suis pas seul à espérer la jouissance. Mais c'est si bon de se laisser gagner par cette marée de douceur qui suit la décharge… S'il y a bien un truc à propos duquel on pourrait dire aux femmes "tu peux pas comprendre", c'est bien celui-ci. Quand aux veinards qui n'ont pas d'épisodes récessifs, je les envie certes, je sais ce qu'ils gagnent, mais eux ne savent pas ce qu'ils perdent.Bref, le sommeil. Convenons-en, le Stilnox fait gagner en propreté ce qu'il fait perdre en naturel.

En soit, dépendre du Stilnox, c'est pas la mort du petit cheval. Je préfère être assuré d'un sommeil minimum que piquer du nez au boulot. Enfin je veux bien piquer du nez au boulot, au fond, c'est les autres qui veulent pas, et moi je veux pas les fâcher.

Ce qui me perturbe finalement, plus que la dépendance, c'est un effet secondaire. Au lever, je suis clair, certes. L'ordinateur est prêt à repartir pour la journée, connecté et tout. Mais la connexion est filtrée, pas question d'aller sur les sites érotiques, les sites de loisirs, etc. Bref, je crois que le Stilnox abaisse mes facultés émotionnelles. Pour autant que ça existe, les facultés émotionnelles. Je ne sais pas si c'est dû au produit lui-même, au mélange avec mon anxiolytique (car oui, mon anxiolytique), mais c'est chhhiant.

Les soirs où je suis bien crevé comme il faut, ou quand carrément je zappe le stilnox et que je dors sans (puisque je n'y ai pas pensé, j'ai pas peur de pas dormir, donc je dors, donc tout ça c'est dans la tête, d'accord bien sûr, mais j'ai une mauvaise tête, voilà, elle fait pas ce que je lui demande, c'est bien le problème, je peux reprendre ? merci.), je me réveille vraiment différemment le matin.

Ce qui change, c'est que j'ai rêvé. Alors qu'avec le Stilnox, je ne me souviens pas de mes rêves, à moins d'avoir dormi bien plus des 6 heures chimiquement programmées. Le médoc force le corps à ne pas trop émerger de la partie reposante du sommeil, écourte les états proches de la veille. Donc ce que je rêve, je l'imprime pas, je le vis moins. Et moi, j'ai toujours eu confiance en mes rêves, même mes cauchemars. C'est comme voir les tripes de l'intellect. Le vrac. Et ce qu'il en reste au matin, c'est radioactif, plein d'énergies, faut pas le laisser traîner n'importe où (surtout pas des cimetières. Les morts-vivants irradiés sont une métaphore du refoulé, c'est certain).

Est-ce que c'est en me coupant de ma matière onirique que le Stilnox m'anesthésie ?


Donc, un jour, quand j'aurai le temps de chercher une autre solution, j'arrêterai le stilnox. Ce qui pourrait marcher pour moi, ce serait de passer des enregistrements de jolis textes un peu lénifiants. Une berceuse pour grands. Des poèmes de Lamartine, ou du Giraudoux, lus par une voix bien nasale… Ya peut-être un marché, là : les livres audio-dodo ?


(tout ça parce que cette nuit, j'ai fait un rêve érotique avec un labyrinthe à partouzards mystiques, des résilles rouges pour bondage de groupes et du face-sitting. Ah bah oui, quand on découvre les motivations d'une réflexion, ça peut surprendre, hein ?)


Lu :

Le contentement de Jennifer Wilson : ça se confirme depuis que la narratrice est amoureuse, elle enchaîne les banalités. Déjà 40 pages pour dire "depuis que je suis amoureuse, je perçois le monde différemment". Elle est avec Cyrano de Bergerac débarquant du passé, et tout ce qu'elle découvre sur l'amour, ça lui donne le même air qu'une lycéenne qui trouve les hommes immatures. Alors que j'aimais bien le début, j'ai l'impression que l'auteur a donné son manuscrit à une pro de la chick-litt pour le boucler…



Tu peux toujours dire que je suis un rêveur. Mais je ne suis pas le seul.


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